En arrivant au sommet de la colline, on aperçoit, derrière les arbres les vestiges d'un donjon et ceux d'une haute muraille. C'est ce qui reste du"château vieux" alors que l'on setrouve sur le "château-neuf". Ces deux châteaux ayant appartenu à deux familles souveraines (Savoie-Faucigny) rivales, se livrèrent, pendantprès de 80 ans, une bataille acharnée qui ne cessa qu'au traité de Paris en 1355. Le château-neuf avait été jusque-là le centre administratif, culturel et militaire de toute la province du Chablais jusqu'au moment où la ville de Thonon, grandissant de jour en jour, supplanta les Allinges qui furent abandonnés peu à peu par leurs occupants. Puis, en 1703, le duc de Savoie,Victor-Amédée II, jugeant que le château était difficile à défendre et devenait trop coûteux à entretenir, décida de l'anéantir en totalité. Depuis cette date, ce qui restait encore debout devint la proie des pilleurs de pierres et des intempéries.
MOYENS D'ACCES
A Thonon, prendre l'avenue des Allinges et s'engager sur laD.12 (direction Col de Cou) jusqu'au village de Mâcheron. Quitter cette départementale et prendre à droite la route conduisant au pied des châteaux. Laisser la voiture et aller à pied. Panorama sur le lac Léman et sur la vallée.
Vue générale duChateau des Allinges
AVANT-PROPOS
La visite des Allinges pourra décevoir celui qui, gravissant la colline, constatera qu'il n'y a que des ruines et des pans de murs effondrés. Mais comment pourra t-il rester insensible en contemplant ces vieilles murailles les témoins d'un passé prestigieux?
Souhaitons qu'un mécène puisse un jour restaurer une partie de ces châteaux dominant ce Chablais qu'ils ont géré, jadis, pendant près de deux siècles!
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Plan du Chateau Neuf tel qu'il apparaissait à cette époque
Après avoir laissé la voiture au pied de la colline, on s'engagera sur le chemin conduisant aux châteaux. On longera, sur la droite, un muret haut de 50 cm construit avec les pierres des démolitions. Il est évident qu'il n'existait pas jadis.
Le Chemin montant au chateau
Arrivé à la porte d'entrée, on remarquera, sur les montants de cette porte, presque au ras du sol, une entaille dans la pierre; c'est là que venait pivoter la poutre du pont-levis. On remarquera également à droite dans ce muret, un trou creusé dans la pierre. Dans celui-ci venait s'enfoncer un des deux pitons du pont-levis pour éviter un déplacement de ce dernier. De l'autre côté de cette porte, on verra une autre entaille dans la pierre, semblable à la précédente. Celle-ci servait au maniement de la herse. Après cette porte, on passera, sur la droite, devant le petit cimetière des pères missionnaires et,en face de celui-ci, un emplacement en forme d'angle, aujourd'hui encombré de sapins. Il y avait là, en bordure du chemin, un petit bâtiment servant de conciergerie.
On aperçoit, dans le fond, une petite porte fermée. Celle-ci était précédée d'un petit escalier en pierre, de quelques marches, et donnait accès à la salle du corps de garde surmontée d'une haute tour carrée, crénelée, et dont le sommet était entouré de machicoulis.
Reconstitution du Chateau Neuf en 1594
On passera ensuite sous une haute porte cintrée qui ne fut construite qu'au début du siècle dernier. Elle était destinée à remplacer celle de l'ancienne muraille qui s'était effondrée à cet endroit. Les restes de cette muraille sont encore très visibles de chaque côté de la nouvelle porte.
Porte d'entrée du Chateau
Une fois cette porte franchie, on verra un verger, planté de cerisiers sur la droite et bordé par une muraille en cours de reconstruction. Au pied de celle du fond, face à la montagne, on remarquera, au ras du sol, quatre ouvertures. On se demande à quoi elles servaient. Une récente interprétation de cette énigme suggère qu'il pourrait s'agir de bouches d'aération pour le sous-sol d'une tour s'élevant à cet endroit. Cette tour est d'ailleurs figurée sur d'anciennes gravures. D'autres pensent que ce pourrait être des archères-canonnières? Le mystère demeure. En face de ce verger, de l'autre côté du chemin, on se trouve devant les restes d'importants bâtiments. D'abord, sur la gauche, on remarquera trois des murs de la salle de garde qui était surmontée de la haute tour dont il a été fait allusion au début. C'est là que se tenait en permanence la petite garnison résidant au château. On verra, sur la gauche, la petite porte fermée aperçue en montant.
A droite de cette salle, on verra l'imposante muraille, épaisse de 3 m et percée d'une porte voûtée. Celle-ci donnait sur un chemin muletier emprunté par les habitants du bourg qui allaient et venaient sans avoir besoin de passer par la herse et le pont-levis. A cet endroit, comme dans le verger que l'on vient de quitter, il y avait un bourg habité surtout par les "clients", terme désignant les habitants chargés de prêter main-forte aux soldats de la garnison lors d'une attaque ennemie. Ils bénéficiaient de certaines franchises et pouvaient cultiver leurs terres du bas de la colline quand ils en avaient le loisir. Ce bourg du "château-neuf" était assezimportant, puisqu'en 1295 on a compté 27 feux, soit environ une centaine de personnes, femmes et enfants compris.
On reprendra le chemin bordé actuellement de houx. Le tracé de ce chemin existait au moyen âge, puisque cavaliers et charrois devaient l'emprunter lors de leurs déplacements. Un peu avant d'arriver au sommet de la colline, on longera, sur la gauche, un gros mur dominé par un terre-plein sur lequel on a placé une statue de Saint Joseph. Il s'agit là du soubassement du château de la famille d'Allinges. De ce château, qui était très important avec donjon et dépendances, il ne reste plus qu'un pan de mur très délabré.
L'arrivée au sommet du chemin, avec la statue de Saint Joseph
On arrive alors dans la partie principale du château neuf. Pour y pénétrer, il fallait franchir un portillon gardé par des factionnaires et passer devant une petite tour crénelée. En débouchant sur ce terre-plein, on aperçoit un magnifique jardin potager. A cet endroit, dénommé le plain-château, il y avait aussi des maisons. Après être passé devant la statue de Saint François de-Sales, on apercevra sur la droite une grange servant aujourd'hui de salle de réunion lors de manifestations religieuses organisées par les pères résidant au château. A cet emplacement, il y avait une tour dont les fondations subsistent encore aujourd'hui. Devant cette grange se dressent, face à la montagne, quelques pans de mur,peut-être ce qui reste du donjon. On verra, sur le muret bordant la place, quelques boulets de pierre récupérés sur la colline et provenant des batailles que se livrèrent les deux châteaux? Toute cette partie du château fait face aux collines des pré-alpes avec une vue admirable sur la vallée se terminant au loin au pied de la Dent-d'Oche. Par temps clair, on peut apercevoir dans le lointain les montagnes suisses du canton de Fribourg. Entre la grange et les pans de murs que l'on suppose être les vestiges du donjon, il y avait les différents bâtiments domestiques tels que: cuisines, pèle, entrepôts... Cette partie habitée était jointe à la vieille maison lui faisant face par une arche jetée d'un mur à l'autre. On peut voir la base de son encorbellement au bas du mur de l'ancienne maison.
Vue du chemin montant au Chateau
La partie qui suit et qui présente trois arcades surmontées d'appartements n'existait pas jadis. Elle a été construite en 1844. C'est en effet à cette époque que les pères missionnaires décidèrent de construire le portique actuel pour joindre l'ancienne maison et la chapelle où, autrefois, SaintFrançois-de-Sales était souvent venu prier. Il semble bien que les dimensions de cette chapelle correspondent à celles de l'avancée surmontée de son avant-toit que l'on aperçoit à droite et où l'on peut remarquer les traces de la petite porte d'entrée actuellement murée. Cette disposition semble confirmée par le fait que le sol du choeur n'est pas du même niveau que celui du reste de la petite nef, celle-ci ayant sans doute été agrandie lors de l'arrivée des comtes de Savoie sur la colline à la fin du Xlle siècle.
Après avoir appuyé sur le bouton d'électricité, à gauche en entrant, on verra s'éclairer, dans le cul-de four, I'admirable fresque du XIe siècle. C'est un document unique de l'art romano-byzantin et la plus ancienne peinture murale de la Savoie. Elle est malheureusement assez détériorée et a fait l'objet d'une demande de restauration auprès des Beaux-Arts. On peut néanmoins décéler une grande partie des détails de cette fresque. Au milieu, le Christ est assis sur un trône et lève le bras dans un geste de bénédiction. Il tient dans la main le livre ouvert surlequel on lit "Ego sum lux mundi". Accolés à l'amande, quatre segments de cercle entourent les symboles des quatre évangélistes: l'aigle, le taureau, l'ange et le lion. De part et d'autre, séparés par deux séraphins ocellés, deux personnages limitent le tableau; à gauche, la Vierge, vêtue d'un manteau dont on devine la beauté de la draperie, à droite probablement saint Jean (l'évangéliste ou le baptiste).
Détail de la fresque du XIe siècle
Enfin, soulignant le tout, un bandeau ocre, rouge et jaune est orné de motifs végétaux reproduisant, avec quelques variantes, un même type de plante dont les tiges se terminent par des petites boules, probablement des fruits. Une large grecque occupe transversalement toute la partie médiane enchassant les bustes des quatre vertues dont trois sont à peine visibles: Caritas, Humilitas, Patientia. Enfin, le soubassement est garni de draperies en trompe-l'oeil, décorées de croix et de motifs symboliques.
Une seconde peinture existe sur le mur oriental de la nef. Elle représente l'image en pied de saint Martin, évêque de Tours. Sans doute faut-il voir, dans ce vestige, beaucoup plus récent que la fresque, que l'ensemble de la chapelle était à l'origine entièrement peint. Enfin, le visiteur sera très intrigué par l'étrange clocher qui se dresse au-dessus de la chapelle. Il s'agit en fait des restes d'une tour autrefois accolée à un des bâtiments faisant partie de l'ensemble des demeures des comtes de Savoie. Ceux-ci étaient beaucoup plus hauts que celui existant de nos jours. Lors des démoliions de 1703, cette partie de la tour a résisté, et au siècle dernier on l'a consolidée et c'est ainsi qu'elle est devenue le clocher de la chapelle. En sortant, on retournera sur ses pas, on passera à nouveau devant le beau jardin potager et, après une petite rampe, on aboutira sur le belvédère dominant le lac Léman. Un vieux banc,presque centenaire, attend les visiteurs fatigués.
De là, ceux-ci pourront jouir d'un très beau panorama. Ils verront sur la droite la ville de Thonon et à leurs pieds la verte campagne avec ses villas et ses champs où pâturent les troupeaux. Au-delà, est le Léman,cette petite mer des Alpes comme l'a écrit Byron, puis enfin la plus grande partie de ce lac avec ses petites cités échelonnées sur la rive suisse. Spectacle que l'on ne peut s'empêcher d'admirer lorsque l'on a fait l'effort de gravir la colline.
Plan du Chateau Vieux tel qu'il apparaissait à l'époque
Après s'être arraché de la contemplation du"merveilleux Léman", on poursuivra son chemin qui, pendantprès de 20 m, surplombe le potager et on descendra, par un sentier tournant, sur un petit terre-plein que l'on traversera pour s'engager sur un autre sentier se dirigeant vers l'autre crête de la colline; sentier un peu difficile d'accès à cause des pans de rochers qu'il faut enjamber. On arrive enfin au pied de ce donjon que l'on aperçoit de loin quand on parcourt la contrée. Ce donjon, qui fut le plus grand de Savoie (20 m sur 18 m), a subi de nombreuses réfections à la suite des bombardements provenant du château-neuf qui lui faisait face. Les spécialistes, en examinant sa maçonnerie, pourront reconnaître les différentes étapes de sa construction.
Passé le donjon, on arrive, en contre-bas, sur un vaste plateau encombré de végétation. C'est là que se trouvait le bourg, édifié de la même façon que celui du château-neuf et, comme ce dernier, en retrait par rapport aux fortifications, pour épargner aux habitants les méfaits des bombardements de l'adversaire. A gauche,sur une légère élévation, on verra ce qui subsiste de la chapelle de cette forteresse. Cette chapelle était relativement grande, puisqu'elle mesurait 16 m de long et 6 m de large. Enfin, sur la droite, on pourra admirer la muraille haute de 11 m et en bon état de conservation. A ses pieds, on verra enfin dans un angle, la porte d'entrée donnant accès au chemin conduisant au village de château-vieux. Ce château, qui n'a pas été démoli, comme son voisin, était une puissante forteresse qui fut abandonnée à la fin du XIVe siècle, et livrée aux pilleurs de pierres de la région et aussi aux méfaits des intempéries.
Cette colline des Allinges, au sommet de laquelle se dressent les ruines de ces deux forteresses, est aussi un lieu de pèlerinage. Chaque année, en été, on y évoque le souvenir de Saint François-de-Sales, l'apôtre de la Savoie, qui vint souvent prier dans la chapelle du château-neuf lors de sa mission en Chablais en 1594.
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Dèrnière mise à jour: 12 / 2001
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